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Campagne annuelle 2024-2025

20 avril 2024

NYARUMANGA – Vivre près du dépotoir (10 septembre 2010)

Départ vers 9h30 avec le taxi de Georges que nous avons déniché près de la route de macadam Car faut le dire, toutes les rues de Kibenga où nous demeurons sont en terre poussiéreuse. On est à les refaire mais ça semble lent. Rendus chez Jocelyne et Duke, nous emplissons le plus possible la camionnette réservée au commerce de « Cleaning » de J.Claude. Les sacs d’école s’y entassent mêlés aux beignets qu’on a commandés à la mère de Steve. Elle a accepté de les cuire comme gâteries aux enfants. Simon conduit la camionnette et nous suivons dans le taxi brinqueballant de Georges. Nous longeons le dépotoir sur un chemin dangereux pour tout système d’échappement. Nous sommes encore loin du petit village lorsque les enfants, de leurs yeux perçants, nous ont vu venir. Ils accourent le long des sentiers jusqu’au centre de cette agglomération de cabanes de boue, attirés par les nouveaux venus.

Ça prend toute la patience du monde pour la distribution des sacs d’école prévue pour les enfants et les adolescents de ce coin. Il n’y a aucun endroit où nous installer. Tout se fait à partir du véhicule. Corinne sue à dénicher les sacs à l’intérieur du véhicule. Les mèches de cheveux lui collent au front. Elle passe les sacs à Thatien qui les relaie à Prime pour les donner à Jeff qui les remet enfin au jeune dont il a crié le prénom auquel l’élève a répondu par son nom de famille. Question de ne pas prendre Nzeyimana pour Nduwimana qui ont le même prénom. Les petits ne cessent de nous coincer contre la camionnette. On doit, à plusieurs reprises et sans trop de succès, les faire reculer. Sans cesse, ils recommencent à nous écraser contre le véhicule qui apporte les sacs. Il fait chaud, des perles de sueur brillent sur les petites têtes noires des enfants, toujours rasés de près. Les plus petits, deux trois ans, tentent de se protéger du piétinement par des efforts dignes du combat pour la vie. Et ils en sortent avec un sourire éblouissant de dents blanches.

De cette masse d’enfants entourés des plus grands du village, mères, jeunes soeurs ou jeunes frères, bébé au dos, femme tenant un parasol dont les baleines risquent de nous crever les yeux mais qui cherchent à contrer la chaleur du soleil de midi, hommes aux regards sévères vérifiant qui aura quoi, grands adolescents moqueurs et jeunes filles à l’allure fière étudiant les possibilités qu’offre la scène, les dames plus âgées vaquant à leurs besognes près des cases qui nous encadrent…de cette masse de gens en loques lève une odeur, mais une odeur de déchets brûlés du dépotoir où ils passent une partie de leur vie à jouer ou à chercher, en grattant les immondices, un reste récupérable. Et ces déchets proviennent surtout de la grande ville. Imaginons tout ce qui peut s’y trouver.

La distribution des sacs terminée, Jeff, pour mieux contrôler la situation, exige que tous se placent en un très grand cercle, à plusieurs rangées selon leurs grandeurs, des tout-petits aux adultes. Puis nous partageons avec tout le village ces fameux beignets (muffins) cuits les jours précédents. Pauvre dame qui nous les a préparés, elle a du être imprégné pendant plusieurs jours de l’huile qui les a frits. Imaginez un peu autant de gens grignotant en même temps chacun son beignet. Un millier en tout.

Fatigués et déshydratés par ces quatre heures de travail ardu dans la chaleur du moment, comment mieux récupérer qu’en allant  sur la route déguster grosses bières ou Fanta fraîches après s’être lavés au Purel !

Michel et Daniel